Finalement, les Pyrénées. Nous sommes dimanche et après un coup d’œil sur la route j’entends d’une même voix un vigoureux « NOOO » de Beñat et Gonzalo. Beñat pointe vers son derrière et s’exclame « mi culo !! » (« mon cul !! »),’il veut dire que les routes de ces derniers jours ont bien massé nos fesses, euh, les ont secouées. Et, comme Roland m’a expliqué il y a quelques années, sur les fesses ne se forme pas de corne (question de cellules qu’on a aux fesses. Aujourd’hui on est dimanche, donc très peu de poids lourds, et on décide de laisser tomber les petites routes pour prendre la départementale en échange, ce qui s’avère un excellent choix. Malgré le terrain plutôt escarpé, on roule avec une moyenne de presque 26 km/h. Le goudron lisse fait la différence.
En parlant d’ « escarpé », le col des Pyrénées n’est de loin pas le plus haut de notre randonnée, mais définitivement le plus raide. En Auvergne c’était plus de 1000 mètres (Col de la Besseyre : 1050 m), ici on n’a que 672 m (Col d’Ispeguy). Or, en Auvergne le début de la grimpe a commencé à partir d’un plateau, tandis qu’ici, dans les Landes, on ne commence que quelques mètres au dessus de la mer. Et même si on n’avait pas eu de GPS, qui montre la pente avec précision, les fonctionnaires du département des Pyrénées Atlantiques étaient si gentils de mettre un panneau au début du col disant « Col d’Ispeguy, 8 km, pente moyenne 6 % ». Moyenne ?!? Eh bien, on y va. Pour ceux qui aiment bien connaître leur progrès il y avait un autre panneau après chaque kilomètre parcouru, par exemple « km 6, pente moyenne 8% », « km 7, pente moyenne 7% ». Et en haut un panneau avec « Félicitations du Département des Pyrénées Atlantiques, vous êtes arrivés ! » Mais pas de jolies filles qui m’auraient embrassé à l’arrivée. Chose qui se trouve encore sur ma liste à compléter. J’aimerais bien aussi avoir une escorte de police à l’arrivée…
Juste avant la pause de midi je roule à côté de Damaso, qui m’explique, qu’aujourd’hui on va manger super bien dans un resto d‘un petit village. « Extra », je pense, quand je vois ce que les Basques nous servent chaque midi, (c’étaient eux qui se sont occupé des vivres, et ils n’ont pas lésiné) on va encore bouffer comme des rois. Quand on arrive dans le village j’ai vraiment faim. D’abord on se paume, ensuite on passe devant un restaurant où ça sent vraiment bon (grrrrrr…), finalement on s’arrête à côté d’un parc désert (pas de restaurent en vue du tout !), et quelqu’un déballe un sac en plastique qui ne contient que de la baguette coupée en tranches. Arggghhh !!! On se dirige vers le parc qui dispose de 2 tables en béton d’environs 5 m de long ancrées dans le sol. Des plats plastifiés, couverts d’aluminium apparaissent. Les déballer est vite fait, d’un coup presque toute la longueur des tables est occupée des différentes spécialités du coin. Damaso m’explique un peu ce qu’il y a sur les tables: Un genre de merguez coupé en morceaux à utiliser pour fourrer les bouts de baguette, des baguettes avec la version locale d’œufs brouillés, des calamars – dont, normalement, je ne raffole pas mais là je n’arrive pas à m’arrêter, etc. Avec ma faim de loup j’arrive tout justement de goûter de tout (dur, dur labeur). Evidemment, je ne suis pas le seul à avoir besoin de faire le plein (selon le GPS ils le seront dans les 5600 calories qu’on brûlera aujourd’hui !) peu de temps après le buffet est déblayé, également le frigo portable avec la bière, le vin, et le coca. Je suis certain que l’expression « Leben wie Gott in Frankreich » (proverbe allemand, littéralement : « Vivre comme Dieu en France » : « Vivre comme un coq en pâte ») a été forgé par quelqu’un avant qu’il ait connu la nourriture en Espagne. Eux, ils s’y connaissent aussi ;)
A environ 30 ou 40 km de Tolosa nous rencontrons en haut d’un col un groupe de cyclistes à moitié composé d’adultes et d’adolescents. Nous attendons que tout notre groupe soit arrivé, discutons un peu et y allons. D’abord il y aura un peu de terrain varié, ensuite une montagne, puis une longue descente, comme on nous l’a dit. Ca a l’air sympa. Nous sommes 25 ou 30 cyclistes. En avant 2 jeunes filles, dans les 15 ans, on traverse un terrain vallonné. Une montée de 7% les ralentit à peine (c’est vrai, une montagne a été mentionnée). La descente est spectaculaire, nous ne perdons pas de temps, apparemment le maire de Tolosa nous attend déjà et nous sommes un peu en retard. Quand le terrain s’aplatit une des jeunes dames est remplacée par un jeune homme. Légèrement en descendant (1%) on roule tranquillement entre 40 et 45 km à l’heure vers Tolosa – et ceci pendant un bon bout de temps. Ni le gars ni la fille ne ralentissent. Nous, dans leur sillon, on se la coule douce (enfin, presque) ; je me rends compte à quel point se distingue le sport de loisir (même assez poussé comme nous) du sport de haut niveau. Ce sont des années-lumière.
Après ce galop on s’arête à l’entrée de Tolosa. Il n’y a pas de parking pour notre bus, nous espérons qu’on peut s’arrêter pour quelques instants en double file. Un flic apparaît. Au lieu de nous faire comprendre de nous tasser vite fait, sinon… il sort son sifflet et commence à diriger la circulation autours du bus. D’accord, je pense, l’importance du cyclisme est un peu plus haut ici. Après 15 minutes on continue, nous sommes censés de suivre jusqu’au centre ville. Suivre ? Qui ? On démarre et après quelques mètres une voiture de police se met devant nous. Ah oui. Des feux rouges ? Pas vraisemblable qu’on nous donne un PV à l’arrivée…
Après la réception (journalistes, caméras télé, interview, …) on va à notre auberge de jeunesse, qui se situe en pente, la route devant est faite de goudron rugueux avec des cailloux. Je descends comme d’habitude, me tape un caillou et je dérape. Une fraction de seconde plus tard je me retrouve au sol. Je ne me suis pas blessé mais je suis tombé sur le vélo. Le dérailleur est si tordu que la roue arrière est bloquée. Je suis horrifié, à cause de ça, impossible de rouler demain. Quelques secondes plus tard Damaso qui avait vu tout est à côté de moi. Pas de problème dit-il, on peut arranger ça vite fait. Quand pense-t-il avoir le temps je demande, quelque part entre le désespoir et l’espoir. « Ben, d’abord on va s’installer dans nos chambres, puis on verra » il me dit. Je me dépêche, mets mes affaires à côté d’un lit et saute dans la douche. Avant d’en sortir Damaso m’appelle, il aurait besoin d’un coup de main pour finaliser la réparation. Quand je sors (plus ou moins essuyé) je vois la partie arrière du vélo entièrement désassemblée. Damaso m’explique qu’il a besoin de moi pour tenir le vélo pour un ajustement de précision. Ce qui pour lui signifie qu’une barre est fixé dans le centre de la roue qui s’étend le long des rayons jusqu’à la jante et qui est ajustée à moins d’un millimètre de différence en faisant le tour de la jante. En tant que physicien je reste bouche bée. Quand il termine quelques minutes plus tard il me manque les mots.
L’avantage d’un tel tour est que l’on peut manger et boire absolument tout ce qu’on veut, sans que cela ait un effet « poignées d’amour ». En moyenne j’ai brulé dans les 5400 calories par jour. C’est un vrai défi de remplir ça. Ce soir j’ai mangé une bonne assiette de pâtes, une assiette de viande et de pommes de terre, et – étant donné qu’il n’y avait que des pommes comme dessert – une autre bonne assiette de pâtes. Puis je me suis rappelé avoir vu un panneau « crème de glace Magnum » quelque part dans la maison. « 1 euro 60 » me dit le chef. Heureusement j’ai exactement 3 euros 60 en monnaie. Après cette journée il me faut de quoi fortifier les nerfs.
JKr.
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